Comment militer dans un syndicat CGT porteur de progrès social, pacifiste et pour le désarmement.

Rédigé par guillaume 1 commentaire
Classé dans : Ma vie à la CGT Mots clés : aucun
Voici un article que j'ai rédigé il y a quelques mois. Comme j'ai pu le dire dans ma présentation sur mon journal, j'ai travaillé 13 ans dans une entreprise d'armement. J'y ai milité à la CGT en y portant des valeurs pacifistes et de désarmement. Schizophrène me direz vous? J'ai tenté de répondre à ce paradoxe et d'amener des pistes aux militants dans cet article.

Nous ne pouvons plus l’ignorer et mettre un mouchoir dessus depuis que la guerre qui a éclaté en UKRAINE en février : les camarades de la CGT dans des entreprises participant de près ou de loin à la fabrication d’armes, que ce soit en cœur de métier ou en tant que fournisseur ou sous-traitantes, sont en pleine contradiction.

Comment faire passer nos valeurs humanistes et pacifistes sans donner l’impression de cracher dans la soupe ?

Dans les syndicats CGT MBDA France, ce sujet a toujours été tabou et sources de vives tensions.

Et pour cause : comment militer pour des valeurs antagonistes aux objectifs de l’entreprise, lorsque que celle-ci est le premier employeur dans certains bassins d’emplois et pourvoyeuse d’avancées sociales conquises au prix de luttes militantes ?

C’est un sujet complexe que l’on ne peut aborder, simplement en criant « paix et désarment !! Il faut arrêter la production d’armes » lors d’une intervention, comme j’ai pu l’entendre lors de notre 42ème congrès fédéral.

Que fait-on des emplois – directs et indirects - liés à toute cette industrie ?

Peut-on simplement, en claquant des doigts, fermer toute une industrie juste sur un principe ?

Et surtout, comment expliquer aux salariés que la CGT, qui est censée les défendre, les organiser et les représenter, est pour la fermeture de notre outil de travail ? Au seul titre que « les armes c’est mal ! » ?

Partir de la base : les salariés eux-mêmes et leur « engagement » dans l’entreprise.

Qui pourrait croire que nos collègues n’ont pas conscience du domaine dans lequel ils travaillent et quelle est la portée de leurs réalisations ?

Certains sont pris dans la même contradiction que nous autres, militants, alors que d’autres sont engagés de manière patriotique. En effet, beaucoup de nos collègues sont là avec fierté, car ils contribuent à la construction de la Défense Nationale et Européenne, reprenant le vieil adage « Si vis pacem, para bellum ». Et dans un certain sens, leurs arguments sont recevables : depuis la sortie de la 2ème guerre mondiale, les gouvernements successifs ont travaillé à l’indépendance militaire du pays, propageant cette idée dans l’opinion publique voire l’inconscient collectif, sans pour autant réellement mettre au débat public la question du désarmement.

Cet argumentaire est d’ailleurs une aubaine pour nos dirigeants qui surfent largement dessus pour consentir susciter l’adhésion des salariés à leur projet. Preuve s'il en est, les dirigeants de MBDA France invoquent le contexte actuel en Ukraine lors des NOE pour faire appel à notre « responsabilité » et limiter les mouvements sociaux.

La CGT ne peut donc pas arriver bille en tête avec ces revendications tombées du ciel. C’est un travail à mener avec nos collègues eux-mêmes, en partant de leurs problématiques quotidiens : conditions de travail, salaires, équilibre vie/pro etc. Il faut gagner leur confiance, pour aller au débat sur la finalité et le sens de leur travail, les mettre tranquillement devant les contradictions de toute cette industrie, afin de créer un rapport de force pour porter d’autres projets industriels avec eux.

Le Plus beau témoignage a été l’action de la CGT pour demander, lors du confinement de 2020, que les moyens industriels à l’arrêt soient remis en route pour aider les hôpitaux : avec l’appui de salariés, cela a permis de créer et fabriquer en grand nombre des visières de protection pour alimenter les hôpitaux d’Antony et de Bourges.

L’action politique de la CGT dans ses instances.

L’industrie militaire française, à la pointe de la technologie, a le devoir d’être à la hauteur de l’enjeu en contribuant à la défense européenne. Mais elle a aussi le devoir de faire profiter de ses avancées technologique l’ensemble des domaines civils comme le médical ou les télécommunications.

Régulièrement, la CGT est consultée dans des instances comme les CSE et CSE Centraux sur des sujets de politique industrielle, économique ou de recherche et développement.

C’est précisément ici que l’engagement pour la paix des militants peut prendre tout son sens. Les déclarations construites par les militants ne doivent jamais perdre de vue la diversification industrielle, la demande d’engagement de l’entreprise dans la R&D afin de faire progresser les produits militaires, certes, mais également pour les rendre au civil, voire créer des projets de diversification alternatifs. J’utilise l’expression « rendre au civil les technologies » car nous sommes bien conscients que sans les deniers de l’Etat Français, aucune technologie de pointe ne pourrait être financée.

Le marché de l’armement est un marché de niche, mais que se passera t’il quand la niche sera vide ?

Cette interrogation peut paraître désuète aujourd’hui, mais elle ne l’était pas il y a quelques années en arrière, lorsque les budgets de l’Etat Français stagnaient et que les conflits géopolitiques étaient moins nombreux.

Même si cette question n’est plus d’actualité, elle toujours tout son sens.

Toute les déclarations réalisées par nos militants sur ces sujets doivent être partagées avec les salariés.

C’est selon moi une des clefs pour réussir une transition vers le désarmement.

Lors de ses vœux 2021, le PDG de MBDA a fait une comparaison douteuse entre la création du vaccin contre la Covid et le développement de nos armes. Les salariés ont immédiatement réagi et sont venus trouver la CGT, qui a réagi par une déclaration politique forte en ouverture de séance du 1er CSE-C de l’année, obligeant le PDG à s’expliquer publiquement auprès des salariés.

Rompre avec le capital.

La plupart de nos entreprises travaillant dans l’armement sont privées et sous actionnariat. Ceci implique obligatoirement qu‘elles doivent être rentables, produire toujours plus et ne pas se contenter de vendre à l’Etat Français, mais d’aller chercher des marchés à l’exportation.

Les entreprises d’armement peuvent-elles se dédouaner de toute éthique quant à leurs ventes et les pays vers lesquels elles exportent, sous prétexte que la vente d’arme est réglementée et sous tutelle de l’Etat français ?

Sommes-nous donc si sûrs de maîtriser l’utilisation faite de ces armes et de leur circulation ?

C’est en mettant en perspective, auprès des salariés, ces contraintes de rentabilités, de défense Française/Européenne et du contrôle éthique de l’exportation de l’armement, que nous pourrons les aider à s’émanciper par leur travail. Les salariés pourront poser les bonnes questions et exiger de leurs dirigeants plus de responsabilité vis-à-vis de tout ce qui est produit.

Seulement, l’entreprise d’armement n’est pas en vase clos et elle se trouve dans un environnement avec énormément d’acteurs. Militer dans l’entreprise a donc ses limites et c’est à nous militant de nous engager, dans nos structures fédérales et confédérales, afin de pousser les réflexions sur ces sujets. La CGT a toute sa place pour faire du « lobbying », conjointement avec d’autres associations pacifistes, sur le désarmement mondial.

Questionner l’Etat Français sur la Nationalisation des entreprises d’armement, par exemple, ou encore sur les marchés autorisés à l’exportation.

Nombre d’entre nous ne sont pas sans savoir que la vente de nos armes à l’exportation a des conséquences désastreuses, notamment au Yémen. Plusieurs entreprises d’armement sont d’ailleurs visées par une plainte au tribunal international de La Haie pour cette raison.

Conjuguer engagement professionnel et responsabilité sociale.

Militer dans une entreprise de l’armement avec des valeurs humanistes et pacifistes est une chose délicate, qui demande beaucoup de temps et de travail militant, mais c’est tout à fait possible. Nous avons d’ailleurs ici quelques clefs et repères si vous voulez vous pour nous engager dans ce travail, avec nos collègues.

L’industrie militaire ne devrait en aucun cas servir à alimenter des conflits, mais se doit d’être utile à la défense des pays.

La diversification industrielle est un virage nécessaire : nos entreprises ont le devoir de faire profiter de leurs avancées technologiques l’ensemble des domaines du civil d’importance vitale, comme les télécommunications, l’énergie, les transports ou le médical.

1 commentaire

#1  - Isabelle a dit :

Belle réflexion qui peut vraiment aider les camarades.
Ce pourrait même être un axe de militantisme, je m'en rend compte à te lire.
Bravo

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